dimanche 7 août 2011

Berceuse

Vêtues de longues robes couleur pastel, rose et pourpre filé or, trois fées devisaient dans un patio en buvant du thé au jasmin. Soudain, le ciel s’obscurcit et un griffon gigantesque fit pleuvoir des oranges en guise d’introduction puis ouvrit la route à une cigogne qui portait un panier où gazouillait un bel enfant. Les fées se penchèrent sur ce berceau venu des airs et offrirent au petit prince le don de charmer, celui de s’instruire et enfin celui de connaître une vie pleine de rebonds. « Qu’il en soit ainsi, belles marraines » dit l’enfant en bondissant hors de sa douillette protection. Il grandit tant et tant qu’il toucha presque les encadrements du patio.
Une tunique blanche et une ceinture d’argent couvraient son corps d’éphèbe. Chaussé de belles sandales cloutées de vermeil, il fit le tour du patio et du palais en quelques enjambées.
Un destrier noir l’attendait à l’écurie. Il l’enfourcha après s’être botté et disparut, laissant les fées dubitatives et rêveuses. La fée pastel dit en un murmure : « Il me semble que les destinées nous échappent ! ». La fée rose notifia qu’elles n’étaient pas les Trois Parques et la fée pourpre filé or fut d’avis qu’il ne fallait pas attacher d’importance à ce petit événement.
Cependant le prince qui n’était autre que le fils d’un orage et d’une cascade passa sur le monde comme une tempête et fort des trois souhaits des fées, dévasta et ravagea les plus belles villes, épargnant celles qui contenaient librairies et bibliothèques ou villages qui tenaient compte de la parole et de la sagesse de centenaires.
Le palais des trois fées fut naturellement épargné et l’on raconte que les soirs de tempête, un beau prince rend visite à ses marraines. Il leur apporte des cadeaux d’Orient et leur conte des histoires venues de la belle Afrique, continent qui érige une stèle vivante à la mémoire humaine, pleine de tumulte et de mots caressants. Il flotte alors dans le palais un parfum de cannelle et de vanille et les hibiscus éclatent de fleurs, faisant cascader rubis et topazes.
Quant au prince, il rêve d’épouser une promise qui l’attend par-delà l’océan. Elle porte un pagne et des colliers de coquillages. Elle danse au rythme des vagues et lui donne le désir de vivre au bord des lagons.
« Qu’il en soit ainsi ! » dit le griffon, de retour d’un monde fantastique.
C’est alors que les tempêtes et les catastrophes naturelles liées aux débordements de l’eau disparurent à tout jamais de la terre.
Les hommes vécurent en paix et les trois fées continuèrent à deviser sur les murmures du monde en buvant, à petites gorgées, le thé au jasmin et en grignotant de délicieux biscuits parfumés à la fleur d’oranger.
Les colombes volent dans le patio et se posent sur le feuillage des citronniers tandis que l’eau de la fontaine reproduit le chant des oiseaux.

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