dimanche 7 août 2011

Pivoine

Des perles, des centaines de perles s’écoulaient de façon continue dans sa gorge. Paul essayait de lutter contre ce flot incessant qui finirait par l’étouffer. Inexorablement les perles, ivoire, roses ou noires, celles de la mer de Chine qu’il avait tant aimées se déversaient avec la régularité des grains de maïs activés dans le gosier des oies et des canards pour le gavage. À ce rythme, mon foie va être transparent et cet amas de perles s’incrustera sur ses parois jusqu’à l’éclatement. Paul tenta de rompre la chaîne du destin mais sa main griffa le drap sans pouvoir le soulever. C’est alors qu’elle apparut, dans toute sa céleste splendeur, celle qu’il avait adorée, la surnommant Pivoine en hommage à la beauté de la fleur et aussi à l’intérêt qu’il avait pris en lisant Pivoine, l’héroïne éponyme de Pearl Buck. Immobile, elle semblait danser tant sa grâce transcendantale perçait sous le carcan de vêtements sophistiqués, difficiles à porter et pourtant aériens, du fait de la magnificence enfantine de cette princesse Mandchoue, faite pour porter avec la même élégance, le sabre, l’amazone ou des tenues d’apparat.
Toute en retenue, elle incarnait la millénaire pudeur de ces jeunes filles, habituées dès leur plus jeune âge à une conduite parfaite. Cependant, il avait réussi, lui, le fier cavalier à faire plier comme une liane cette séraphique beauté.
« Pivoine, mon aimée ! » murmura-t-il dans un dernier effort puis il mourut, titubant dans des allées de roses piquées de perles venues de Chine.

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