dimanche 25 septembre 2011

La calèche du Prince Noir

À la recherche d’une pierre de lune, je suis partie de bon matin, ma canne de marche à la main. Chaussée d’espadrilles du Pays Basque et vêtue d’une robe africaine, ample, bleu turquoise, des oiseaux pourpre brodés sur le cœur, j’ai pris les chemins de randonnée, rêvant de rencontrer des pèlerins.

J’ai croisé des chevreuils qui sortaient d’un champ de maïs, j’ai admiré des arbres à papillons, des albizzias, des lagerstroemias qui constituaient une allée d’honneur pour les belles en mal d’amour mais de pierre de lune, point.

Consolée par toutes ces beautés, j’ai poursuivi ma route jusqu’à une halte gourmande. Des oies de Guinée se gavaient de figues, m’incitant à devenir l’hôtesse d’une ferme auberge où l’on servait les plats traditionnels landais, la garbure, des filets de magrets cuits sur la braise, accompagnés de haricots tarbais fondant sous la langue et naturellement en dessert, la fameuse tourtière dont la pâte étirée en mille feuilles, garnie d’un mélange de beurre en pommade, de liqueur anisée et de lamelles de pommes avait obtenu un croustillant parfait après un passage au four.

Alourdie par ce repas plantureux, je demandai l’autorisation de m’étendre avant de reprendre la route. Une chambre attendait un locataire. C’est avec satisfaction que je la louai afin de m’étendre sur un lit de repos.

Les rideaux tirés, je m’endormis, rêvant que je marchais le long d’un ruisseau.

Un bruit d’essieux brisa le silence. En Bretagne, on parle de la charrette de l’Ankou, le valet de la mort. Selon la légende ce grincement est porteur d’un mauvais présage. De même, la vue d’une lavandière, tordant un drap dans le cours d’un ruisseau est annonciatrice d’une mort assurée.

Souriant à l’évocation de toutes ces légendes collectées dans les campagnes profondes par un savant nommé Anatole Le Braz, je me levai et risquai un œil sur l’allée bordée de rosiers qui menait à la route.

J’aperçus une calèche dont les portes arboraient un blason. Le cocher était drapé dans un manteau sombre, sans doute pour éviter la poussière du chemin pensai-je spontanément. Je laissai quelques pièces d’or pour récompenser mon hôtesse de ces moments charmants et me dirigeai résolument vers la calèche qui, je m’en doutais pas une minute car la modestie n’était pas mon fort, m’était destinée.

Au fur et à mesure que j’avançais, la calèche déployait tous ses attraits. Elle était vernie et l’or du blason où se lovait un dragon n’avait rien à envier aux armoiries du roi Richard Cœur de Lion par l’éclatant semis de la fortune symbolisée par une créature arrachée aux forces telluriques de notre monde. Quant à la devise, elle était pour le moins étrange : « Ne suis ni roi, ni duc, je suis le Prince Noir ». Certes, j’avais entendu dire que le Prince Noir avait ravagé l’Aquitaine, revendiquant par les armes l’héritage d’Aliénor d’Aquitaine mais je reléguais cette histoire dans le chapitre des légendes où je baignais depuis mon enfance. Je grimpai hardiment sur le marchepied et m’installai avec bonheur sur les coussins qui agrémentaient le réceptacle de la calèche. Je souris au cocher qui fouetta les chevaux et c’est ainsi que je partis pour une terre inconnue qui s’apparentait aux landes sauvages où vivait l’Ankou.

J’eus beau promettre des louis d’or, l’hologramme du Prince Noir ne fit qu’en rire. Il me déposa sans ménagement dans un terroir brumeux, à mille lieues de l’environnement fleuri qui était le mien. C’est alors que je la vis, la pierre de lune que j’avais tant cherchée !

Je la serrai contre moi comme un trésor et ô miracle ! je me retrouvai dans mon jardin, modeste et parfumé par les roses dédiées aux poètes ! 

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