dimanche 29 janvier 2012

Daniel, mon frère


Maman voulait avoir un fils, une sorte de chérubin à qui elle apprendrait les préceptes divins, un enfant charmant, poli qui rachèterait un peu ses déboires de jeune mariée, elle mit au monde un guerrier qu’elle prénomma Daniel.
En relisant le livre de Daniel dans la Bible, je ne peux qu’admirer la pertinence du choix du prénom de mon frère. Quel être prestigieux !
Cependant mon frère, s’il fut en son jeune âge, admiré pour sa vivacité, sa précocité et son intelligence, s’éloigna en grandissant de celui qui aurait dû lui servir de modèle.
Chef de bande en notre village, il commença, très jeune, à se révolter contre toute forme d’autorité, y compris celle, bien légère, de ma mère.
Puni pour avoir été insolent, il écrivit une lettre à l’âge de sept ans que ma mère garda longtemps. Il leur souhaitait mille outrages et c’était signé : Daniel dans sa cabine d’armes !
Lorsque je vins au monde, sept ans plus tard, un chiffre féerique, je ressemblais à une poupée et Maman se consola un peu en cousant des petites robes qui furent pour moi autant de supplices. Je n’avais pas le droit de bouger afin de ne pas abîmer ces créations style haute couture.
Velours, dentelles, pièces de coton brodées, amidonnées et repassées, tout servit d’exutoire à une mère qui s’ennuyait mortellement dans un petit village.
Fort heureusement, je fus confiée à mon frère lorsque Maman avait du vague à l’âme. Il me confectionna une tenue de brousse, m’apprit à ramper dans les prairies et mit un peu de piment dans cette vie rythmée par des chansons d’amour dans la petite cuisine où Maman préparait des gaufres, du chocolat chaud ou des fraises écrasées mélangées à du lait selon les saisons.
Avec Daniel, on buvait l’eau des ruisseaux on mangeait des nèfles, on se battait parfois car il avait le sens de l’honneur. Un mot de trop et il fonçait comme un bulldozer. Je l’ai vu un jour recevoir une demi-brique à la tête. Le sang coulait en abondance mais il repartit au combat pour terrasser le traître qui l’avait attaqué par surprise. Ces jours se sont enfuis et curieusement ce sont ceux que je regrette.
Il n’était pas facile d’être la sœur de Daniel mais personne ne s’en prit à moi.
Chez les garçons, à l’école, on espérait ma venue car ma mère souhaitait que je fasse le trajet en sa compagnie.
Or il était très souvent puni. Il copiait avec des compagnons de peine des verbes conjugués à des modes et temps difficiles, Que je dactylographiasse, par exemple.
J’attendais sagement assise sur un banc que la punition soit levée, alors le maître d’école finissait par avoir pitié de moi et libérait les garnements avant l’heure prévue.
Adulte, mon frère retourna dans ce village, retrouva des camarades et ils allèrent solennellement fleurir la tombe de ce maître d’école qui avait si bien su les former !

5 commentaires:

  1. Chère Daisy,

    Comme tu as bien retracé la vie de Daniel, un garnement que l'on adorait tous, boy scout, gagarreur, adorable, intelligent, et si protecteur avec nous les filles ... Bon quelquefois il n'hésitait pas à nous bousculer un peu, a nous inviter à grimper dans le noyer de chez Argiolas, et les saules, dans lesquels je m'étais coincée alors si petite et maigre comme un coucou. J'ai adoré cette enfance, bon nombre d'enfants à l'heure actuelle ne se doutent pas que l'on vivait bien autrement, autrefois. Ces souvenirs là me poursuivront toute ma vie.
    Comme je te plaignait intérieurement de ne pas pouvoir bouger dans ces robes certes très jolies mais si peu propices à nos jeux de garçons. Heureusement, il nous restait les rêves et les contes de fées, là tu étais dans le ton.
    J'aime parler de cde temps là avec toi et qui me semble parfois si proche, est-ce l'âge qui produit cet effet ?
    Je t'embrasse très affectueusement, Annie

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  2. Je ne me souviens plus, qui était ce maître d'école ? nous en avons vu tellement paser dans notre petit village .........

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  3. Je me souviens du chagrin de ta maman, attendant des nouvelles de Daniel alors soldat en Algérie, et de la traitrise de celle qu'il croyait être sa fiancée ... et aussi du hangar dans lequel il travaillait à Lourches, un vrai bric à brac (pour moi) mais qui était surement rangé (pour lui) !!!

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  4. Le Maître d'école se nommait Louis Patou. Son père avait également été maître d'école à Flines. Ils étaient très originaux. Recevant un jour un sous préfet à l'école, le père lui dit, alors que ce pontife s'attendait à ce qu'il se prosterne devant lui: Mais ce n'est pas marqué sur votre figure ! Le fils était sévère mais juste, ce qu'appréciait mon frère. Il avait une grande barbe rousse et bouclée. Il avait aussi une casquette dans laquelle il avait inséré une baguette de coudrier. En passant dans les rangs, il donnait des coups de casquette s'il voyait des erreurs et il paraît que ça faisait mal! Paule, la traîtresse y avait goûté puisque les filles passaient à l'école des garçons pour le brevet complémentaire. Elle en parlait souvent comme d'un outrage ! Aujourd'hui, ce maître serait trainé en justice!

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  5. L'épisode Ouvrier a été très difficile pour mon frère! Comme toi je n'appréciais guère cet atelier qui me semblait sorti tout droit d'un roman d' Émile Zola !! ça lui ressemblait si peu !Fort heureusement, celle qui devint sa femme le tira de ce guêpier ! La vie et le titre de Professeur lui convenaient bien mieux !J'avais oublié le nom d'Argiolas ! à nous deux on va finir par écrire un roman!

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