jeudi 21 juin 2012

Le Présent du Cavalier


Un grand cavalier venu des halliers de la noire forêt arrive
au galop sur son cheval blanc. Sa moustache argentée
ruisselle de rosée. Il presse sa jument. Cloutés de turquoises
 et d’or, les sabots effleurent la terre. Arrivera-t-il à temps ?

Il vient du pays de la lumière avec, dans sa gibecière, les
cadeaux pour la mariée : quelque chose de bleu, l’azur du
ciel, quelque chose d’ancien, l’accent des ballades
germaniques, quelque chose de nouveau, l’espérance d’un
peuple à qui l’on a enfin rendu la paix.

Le bouquet de la mariée, argent et azur, étincelle dans tes
bras, Élisabeth.

Le cavalier t’a conduite au banc des épousés, puis,
discrètement, après avoir essuyé une larme, est reparti dans
le pays où rêvent les colombes.

Une si belle noce




De mémoire d’ange, on n’avait jamais entendu de biniou dans les jardins d’Éden.
À la vue de son petit-fils arborant fièrement chemise de lin et gilet brodé par les soins de sa maman, le jour de ses noces, grand-père laissa échapper une larme qui magnifia la mariée, délicate et décidée en ce moment inoubliable. Puis il cueillit une rose d’éternité et la déposa tendrement sur les joues de sa femme que, pour la première fois, il n’avait pas à son bras. Ce fut une bien belle noce avec le charme d’antan.
Grand-père, heureux, se rendormit dans son éternité.

Une chanson douce




Sur des lacs de brume, mes souvenirs d’enfance éclosent comme autant de lotus nacrés, défilant dans ma mémoire sous forme de chansons.
Celles que j’ai entendues quand j’étais toute petite, une chanson douce, susurrée par un Henri Salvador charmeur que je confondais avec le prince pourfendeur de loups, des chansons anciennes que de vieilles dames aux boucles d’argent chantaient dans les banquets d’une voix flûtée prête à se rompre, mais si charmantes, Les Mains de Femmes, ou plus pathétiques, Les Roses Blanches, toutes ces chansons si différentes et si merveilleuses dans leur diversité fleurissent dans mon cœur comme des immortelles. Elles effacent tous les chagrins et donnent à chaque journée une tonalité vivace qui embaume le mimosa et le lilas.
Des chansons plus graves, telles le Minuit Chrétiens, qu’un ténor de village entonnait avec force dans l’église médiévale de mon enfance à la messe de minuit m’ont appris, toute jeune, qu’une dimension spirituelle était nécessaire à l’équilibre humain. Toutes ces voix si précieuses s’unissent dans ma mémoire pour me donner la force qui me manque parfois et m’aident à franchir des seuils douloureux jusqu’à ce que le chant implose dans ma poitrine comme un acte d’amour.

À mon frère, Daniel



         
Je n'ai pas pu te suivre sur les lointains rivages où tu as fini par échouer, tel un grand dauphin blessé.
Toi, mon frère, Daniel, tu incarnais la force et la joie de vivre et tu venais toujours au secours de la petite sœur, souvent malade, toujours en retrait. Quand nous étions petits, mais tu ne l'étais pas à mes yeux, nous cheminions main dans la main et tu me confiais des secrets que je ne trahissais jamais. J'écoutais en silence, admirant l'audace de celui qui était mon héros. Mais un jour, nos routes se sont séparées. Nos mains se sont désunies et chacun de nous a feint d'oublier l'autre.
C'était sans compter sur la force de notre enfance construite sur les pierres de lune de l'amour.
C'est ainsi que sur les pavés de notre nord natal, deux silhouettes cheminent main dans la main. Des deux enfants, le plus grand et le plus fort confie à l'autre, fragile, aux pas saccadés, les secrets de la vie.

Le Maître Jardinier




Dans les jardins du bonheur, des oiseaux de paradis repoussent les orages.
Droit dans ses sabots, le maître des lieux fustige du regard l'herbe folle, les ronces et les leurres qui détruisent l'harmonie des lieux puis, prestement, arrache et rafraîchit.
La fatigue ne peut l'habiter. Son désir de restituer la beauté est si fort qu'il ne sent pas la douleur. Que lui importe le flux du sablier ? Il ne se redresse que lorsque la tâche est achevée. Enfin heureux, il siffle au pied du lilas des Indes et répond aux oiseaux qui lui donnent un avant-goût de l'Eden.

Victoire




Mon fils aux yeux de cristal, à l’âme d’écume, tu as voulu affronter le minotaure à mains nues, si forte était ta foi en la beauté du monde mais le monstre t’a blessé.
Qu’importe ! ton écharpe de petit prince te sert d’étendard et je sais que tu vaincras.
Au bout de ce chemin de douleur, la lumière du jour qui terrasse la nuit t’éclairera comme la torche olympique qui flambe pour les meilleurs en ouvrant la route de l’espoir invincible.

Prisme de Légende



Avec la majesté d’un Titanic insubmersible qui serait ancré sur un îlot de verdure, l’hôtel Parc Beaumont offre ses flancs à la lumière.
 Dans ses jardins intérieurs, de somptueux divans incitent à la méditation ou à la rêverie. Un appel mystérieux nous aide à trouver la clef du parc. J’ai cru voir un aigle se poser tout près de la rotonde où se mire le soleil.
De nombreux invités s’y pressent, respectant à la fois les lois hospitalières du monde antique et du monde moderne avec une porte sur l’Asie grâce au respect des éléments fondamentaux. Combien d’aèdes ou de geishas se sentiront chez eux dans ce palais des temps modernes où cohabiteraient sans réserve Calypso, Nausicaa, Pénélope et le divin Ulysse ?
Avec un tel paquebot, cet explorateur de la mer qui s’ouvre à l’horizon des Pyrénées aurait trouvé son Ithaque sans coup férir.
Dans la grotte où rêvent les sirènes, le petit génie du lieu nous guide vers les mondes parallèles de l’édifice qui se recoupent en une pièce où circulent mets raffinés et vins présentés par de grands échansons. Lulli aurait sublimé un tel endroit pour orchestrer ses opéras.
Le Roi de Navarre, désertant le Louvre, aurait aimé se ressourcer dans sa bonne ville de Pau avec un tel palace prêt pour des voyages insolites dans de curieux espaces interstellaires et pourtant si conforme à l’authenticité du patrimoine.
Sur un air de la Flûte Enchantée, que la fête commence !