mardi 29 janvier 2013

La théière en argent




Alors qu’elle se frayait un chemin dans les souks de Marrakech, Latifa entendit une petite voix qui se voulait suppliante : « Achetez-moi par pitié ! Dieu vous le rendra ! » Elle finit par trouver l’émetteur. C’était une magnifique théière en argent, exactement l’objet qui lui manquait pour offrir à ses invités la touche finale raffinée et délicate de tout repas festif. Elle marchanda pour l’usage et mit le bel objet soigneusement emballé dans du papier de soie dans son couffin.
Pour faire bonne mesure avec son opération coup de cœur, elle acheta également des colliers de perles « mignonnettes » réalisés artisanalement, de la menthe et de la verveine pour étrenner la théière et enfin quelques pâtisseries orientales dont elle raffolait !
Elle partit d’un bon pas vers son Riad car elle savait que la cuisinière avait préparé une excellente pastilla aux pigeons, son plat préféré qui ne souffrait pas de retard.
Les aiguières d’eau de rose circulèrent autour de la table ronde en argent massif. Après ces ablutions, chacun se servit délicatement d’une part raisonnable et dégusta ce mets princier.
De la crème parfumée à la fleur d’oranger et parsemée d’amandes effilées dorées au four contribua à plonger les convives dans une atmosphère gourmande. Enfin la théière apparut. Sa splendeur éclata, reléguant les pâtisseries à un rang inférieur.
Ce fut un émerveillement total lorsque la maîtresse de maison laissa couler le thé parfumé dans les verres filé or.
On eut l’impression que des anges volaient dans la pièce, jouant à cache-cache dans les lourdes tentures de brocart.
Après le départ de ses hôtes, Latifa connut une minute de bonheur. Lorsque toute la vaisselle fut lavée et remise en place, Latifa déposa en secret un baiser sur la théière qu’elle considérait comme un objet magique.
Elle eut une nuit sans nuage mais elle fut brusquement tirée de son sommeil par un cri : « On a volé la théière ! » Latifa enfila sa robe de chambre et courut à la cuisine. Elle constata l’absence de l’objet tant aimé mais s’empressa de réconforter la jeune femme : il n’était pas question qu’elle la soupçonne. « Le problème trouvera sa solution » dit-elle avec assurance.
À cet instant, le heurtoir indiqua qu’elles avaient une visite. Elle ouvrit la porte et découvrit une ravissante petite fille richement vêtue. L’enfant se précipita dans ses bras ce qui inonda le cœur de Latifa. Elle n’avait jamais pu avoir d’enfant et son mari avait cédé aux menaces de sa famille. Il avait prétexté un voyage d’affaires à l’étranger pour briser les malentendus, laissant à sa femme bien aimée le soin de résoudre leur problème. « Je serai votre fille, mère, si vous le souhaitez car j’ai été enlevée à ma famille et transformée en théière d’argent par un marabout. Il y a si longtemps ! Mes parents sont certainement morts. L’enchantement devait prendre fin grâce à un baiser, ce dont vous m’avez gratifiée. Je me nomme Bahia ». L’enfant se laissa conduire dans la chambre qui avait été préparée jadis pour l’héritier de la maison. Latifa l’avait laissée intacte avec son confort et ses jouets.
Par la suite, Bahia sut se faire apprécier. Intelligence, beauté et gentillesse formaient sa personnalité et la rendaient attachante.
 Ayant conscience qu’elle ne pouvait pas raconter à son mari un semblable conte, Latifa résolut de lui présenter la petite fille par le biais de l’adoption. Elle lui envoya plusieurs photos et messages par son portable. Son mari fut enchanté par cette solution si agréable à leur problème et abrégea son séjour. L’enfant fut rapidement adoptée et pour briser toute question concernant la théière en argent, Latifa se rendit au souk et acheta un ustensile plus rutilant encore. Elle fut soulagée de n’entendre aucune petite voix l’implorer. Bahia devint l’enfant de la maison et rendit le bonheur à toute la famille.
De plus, quelques mois plus tard, Latifa eut la certitude qu’elle était enceinte et qu’un bébé naîtrait bientôt dans ce Riad ensoleillé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire