jeudi 28 février 2013

Le chant des roses




Drapée dans sa robe de soie aux couleurs de soleil, de pourpre et de jeunes pousses, la princesse d’un royaume en devenir se promenait le long d’un fleuve où glissaient des barques chamarrées.
Elle trouva sur son chemin un buisson de roses bleues qui embaumaient sous la brise. Elle eut la surprise de les entendre parler. « Ne sois pas étonnée par notre couleur si inhabituelle, princesse ! Nous sommes les roses des princes Touaregs qui se meurent dans le désert.
Nous sommes là pour te rappeler que nos princes et leurs suites ont le droit de cité et qu’il ne faut pas les oublier ! »
Puis les roses se muèrent en oiseaux et partirent au loin, se posant sur les pirogues et les arbustes disséminés dans la nature. Une seule demeura et elle orna le cou de la princesse, développant une mélopée harmonieuse « Je suis la rose de la nuit. Jamais je ne te quitterai, à moins qu’un prince ne demande ta main ». Elle exhala un parfum suave et s’illumina de minuscules diamants qui étincelèrent au soleil.
La princesse retourna en son palais où l’attendait un voyageur. Elle donna des ordres pour qu’on lui attribue un appartement princier.
Après les ablutions d’usage, le voyageur la rejoignit à la table du festin où s’amoncelaient pyramides de fruits, de fleurs et de gâteaux de miel. Quelques brochettes d’agneau accompagnées de semoule et de raisins secs formaient l’essentiel du repas. Sirops de rose et d’orgeat circulèrent à la ronde parmi les invités et lorsqu’à la fin du repas, on donna la parole au noble invité, il ne put s’exprimer que par un chant ancien, si beau et si pur, que tous en eurent les larmes aux yeux.
Alors la princesse sut qu’il s’agissait de la demande en mariage d’un prince et la rose qui ornait son cou s’évapora, laissant dans son sillage une rivière de diamants.

mardi 26 février 2013

Les roses de l'ange



 Cette plume  qui me fut jadis offerte par les anges, je crains qu’elle ne me soit brutalement enlevée.
Des vents tourbillonnants chassent les fées qui peuplent mon univers et j’entends crépiter les balles des maudits et siffler le sabre du démon.
Les tambours résonnent au loin et dans les dunes où se cachent les renégats, c’est à qui prendra le captif le plus prestigieux, celui qui, redonnera l’or des Nibelungen aux successeurs des guerriers barbares.
Je lutte de toutes mes forces, implorant les bons génies qui m’ont toujours entourée de m’aider à faire éclore les roses  de tous les mots que j’ai recueillis sur les lotus du temps et le miracle se produit : les démons disparaissent et laissent de la poudre d’or aux scribes qui rénoveront les parchemins brûlés.
Dans la ville sainte, les anges sont de retour et je marche à leur suite, suivant l’itinéraire des pèlerins.
Demain je reprendrai la plume et j’y laisserai quelques gouttes de rosée pour que revienne le temps des roses.

dimanche 10 février 2013

Le magicien de l’ombre




Le magicien de l’ombre prit le masque du soleil et dansa. Des fresques luxuriantes se projetèrent sur les murs ocre de la ville sacrée et des jeunes femmes à la beauté divine apparurent, portant des jarres d’eau, d’huile et de parfums.
Des tambours retentirent et les hommes de la ville ne purent retenir la frénésie  qui les inondait. Ils dansèrent jusqu’à en perdre le souffle.
Alors le magicien ôta son masque et l’on vit avec stupeur qu’il avait le visage d’un démon.
Une jeune fille au cœur pur lui intima l’ordre de partir d’une voix péremptoire. Le magicien vaincu sentit son visage bouger et lorsque le mouvement cessa, il apparut à tous dans sa dernière métamorphose, celle d’un chef de guerre disparu depuis longtemps. À petits pas, il s’éloigna de la ville sacrée où il n’avait pas sa place et disparut dans le désert sans qu’une parole fût prononcée.
Alors le village libéré fêta jusqu’à l’aube la paix retrouvée.

samedi 9 février 2013

Dans un halo de lune




Je l'ai aperçue qui marchait dans la nuit, auréolée d’un halo de lune, la misère ! Elle était recroquevillée et ressemblait à un oiseau tombé du nid.
Elle allait, sans but, sans toit, craignant que des hommes à cœur de loup la pulvérisent et dispersent ses cendres aux quatre vents.
Les yeux baissés, voilés par la frange de ses cheveux, elle buta soudain sur un corps étendu à même le trottoir, un compagnon de souffrance.
Elle voulut lui porter secours mais l’homme se tendit comme la corde d'un arc et cibla sa gorge d'un poignard.
« Que fais-tu, mon frère ? Nous sommes rivés à la même chaîne ». L’homme retroussa ses lèvres à la manière d'un loup, découvrant une mâchoire où manquaient quelques dents.
La jeune femme se dégagea de son étreinte et s'enfuit comme une ombre, ce qu'elle était devenue à force de chagrins, de coups reçus et de mépris.
À peine avait-elle décidé d’en finir avec cette vie de misère qu’une main douce et ferme prit la sienne et lui glissa un bouquet de roses. L'homme ou l'ange disparut, la laissant respirer le parfum de ces fleurs célestes où nichaient des pièces d’or, de quoi se trouver un toit et se débarrasser de ses haillons.
La lune nimba le personnage falot à visage de Pierrot et déposa sur son visage quelques éclats qui brillèrent comme des soleils !

vendredi 8 février 2013

Antinéa




Dans les sables du désert, un palais de marbre rose, enfoui sous les fines particules de terres érodées, attend le retour de ses occupants.
Lassés de voir couler le sang dans l'immense sablier du temps, ils ont fui pour des cieux plus cléments. Mais dans leur exil, ils pleurent le royaume perdu et rêvent d'y revenir en conquérants.
Alors l'un d'eux, le plus croyant, le plus fidèle, ferma les yeux et invoqua Antinéa, la reine conquérante, la reine imbattable, la reine éternelle.
Elle s'imposa à lui avec une telle force qu'il se crut invincible et partit, le chapelet aux doigts, pour les dunes de son pays, cerné à la fois par des compatriotes et des amis.
Et lorsqu'il arriva en terre sacrée, un grand vent balaya le désert et le palais redevint visible.
Sur les marches, la silhouette fine de la reine Antinéa l'attendait pour lui ouvrir les bras.