samedi 30 mars 2013

La fée Espérance





Elle est repartie sur les ailes du vent, la petite fée Espérance avec sa robe d’organdi et ses bouquets de roses violines. Elle a joué à la marelle avec les petites campagnardes, au mouchoir avec des rondes de jeunes filles et à la corde à sauter avec l’arrière-petite-fille  de Marie Laurencin et une descendante de Victor Hugo.
Peinture, poésie, il manquait la musique, alors la fée a demandé à sa consœur Morgane de l’accompagner à la harpe celtique et toutes deux se sont envolées vers le Val sans Retour où les attendent les amants punis de ne pas les avoir aimées à la folie.
Espérance voulait leur liberté mais Morgane prétendait les enchaîner dans les arbres, les sources, près des rochers dans une lande sauvage où le valet de la Mort marche d’un pas lourde, la faulx inversée sur l’épaule pour arracher les âmes perdues en ce monde.
Espérance voulait sauver tous les enfants mais le valet ne l’entendait pas de cette oreille car le cri d’une âme enfantine est d’un cristal si pur que celui de Bohême paraîtrait grossier en comparaison.
Profitant d’un orage et bénéficiant du soutien de l’enchanteur Merlin, la fée Espérance quitta ces régions désolées et cruelles, cachant dans la cape de bure d’une mère supérieure une dizaine d’enfants apeurés et orphelins.
Ils s’en allèrent tous sur les ailes du vent et arrivèrent enfin dans un château perché dans les nuages où chacun trouva la clef de son destin.

L'ange et l'enfant





Dans un bouquet de roses un ange sommeillait. Un éclat de lune lui offrit le mouvement et il s’envola vers les cités sombres où s’enlisaient des enfants désemparés tandis que des mères abandonnées par un mari collectionneur de beautés œuvraient sans relâche dans des emplois précaires.
L’ange donna çà et là un peu de sa lumière et chacun repartit d’un pas un peu plus sûr vers un azur imaginaire qui semblait réservé à ceux qui avaient eu un berceau doré.
Sur son parcours, l’ange trouva un nouveau-né abandonné dans une jardinière de fleurs. Saisissant l’anneau de l’ange comme un hochet, le petit être le fit glisser sur sa joue et il en fut transfiguré.
Une jeune femme qui passait par là en tenue de bal fut éblouie par la beauté de l’enfant qu’elle prit spontanément dans ses bras. L’ange lui donna sa bénédiction et la belle en mal d’enfant partit en emmenant son trésor à qui elle donna le nom de Moïse.
Heureux d’avoir sauvé deux êtres, le bébé et la malheureuse qui l’avait abandonné pour cause de pauvreté, l’ange repartit dans son univers, rêvant de constituer une cohorte d’anges sauveurs chargés de rétablir l’ordre humain dans les cités sombres pour qu’elles accèdent enfin à la lumière. Puis il ferma les yeux et de ses paupières gonflées par le parfum des roses, se distilla une fragrance mauve qui rejaillit sur le monde, lui rendant sa beauté originelle, celle de la mer, des rivières et des lacs. La nature explosa, libérant des lianes de fruits et de fleurs et la beauté de l’ange pulvérisa les barques sombres des humeurs citadines croulant sous les tavernes, zébrant cet univers de fulgurances turquoise et or.
Et c’est alors que, grandissant à la manière d’un hercule, le petit Moïse, devenu philosophe, partit à son tour pour rechercher celui qui lui avait sauvé la vie, l’ange des origines sous la splendeur lunaire d’astres en éveil.

mercredi 27 mars 2013

Le foulard de soie





J'ai mis mon foulard de soie, rouge comme les coquelicots de mon enfance et celui des ouvriers de ma famille dont je suis si fière !
Ils ont toujours travaillé, usant leurs mains sur les métiers à broder, œuvrant à parer les élégantes de robes princières et de mantilles pour s'incliner devant Dieu. Les femmes de ma famille, vêtues de laine et de coton se félicitaient de l'élégance des belles dames dont elles étaient les humbles créatrices. Elles chantaient aussi sans éprouver de rancune. Mais moi, j'ai souhaité me révolter pour elles car je n'apprécie pas le mépris dont on abreuve encore aujourd'hui les travailleurs. Ce sont surtout ceux qui bénéficient de leur travail qui les regardent comme s'ils étaient transparents. J'arbore un foulard de soie pourpre mais je pourrais aussi orner mon cou d'un triangle de coton rouge à la mode du chanteur Renaud dont les accents sincères nous ont émus.
Qu'il revienne ce temps où l'on aimait la rose rouge enserrée dans un poing combatif, celui du monde valeureux de ces faiseurs de merveilles, les ouvriers !

vendredi 22 mars 2013

La nef du temps




Sur la nef du temps, arborant sa tunique ornée de la croix de Malte, le grand Maître médite sur l’errance des mondes qui s’entrechoquent sur le damier de la mer. Les dauphins bondissent, attentifs à la poésie depuis Arion. Ils guettent les paroles du grand Maître qui cependant se tait.
Aux abords d’une île inconnue des pirates, il débarque et marche sur le rivage. Il se nourrit de fruits et de l’arbre à pain et boit l’eau d’une source qui coule dans une oasis parfumée où poussent des orangers. Il se repose dans une grotte naturelle, y trouve quelques parchemins oubliés par un voyageur et y note à l’encre de seiche en se servant d’une plume les poèmes épars qui coulent de ses rêves au rythme des vagues.
Il se sent si bien dans cette île du bout du monde qu’il en oublie le but de son voyage, redonner au monde la fermeté d’une pensée, et se laisse envahir par les sensations.
Une sirène le pare d’un collier de fleurs et de coquillages et lui chante des odes à l’amour si belles que ses écrits lui apparaissent à présent vains et dénués de la véritable poésie, celle qui emporte l’âme et la projette en des paradis inconnus.
Moi qui attendais le retour du grand Maître, je m’incline en voyant l’ombre d’une nef et celle de la croix de Malte se découper sur le ciel de lit de mes rêves, me laissant le rôle de l’unique dépositaire d’une pensée, celle de l’Amour Courtois en une harmonie des mondes de l’Orient et de l’Occident, sous le signe du soleil.

La fée des sources




Vêtue de perles diaprées, la fée des sources respire le parfum des roses et du jasmin et marche sur le miroir des eaux claires où éclosent lotus et nénuphars.
Elle attend le retour de l'enchanteur, celui qui lui murmurait les poèmes des troubadours en s'accompagnant d'une lyre.
Il a disparu un soir d'orage et a laissé nymphes, naïades et fées en mal d’amour.
Qui pourra aujourd'hui écrire des mots ensorcelants et les tresser en bouquets composés où affleurent des épis de blé et des fleurs des champs ?
Qui pourra se substituer à la brise d'été pour redonner le bonheur de vivre à celles qu'il aimait ? La fée incite les perles à se mouvoir sur son beau corps doré, se couvre de soieries et d'angora et part à la recherche de son amant. Qu'il brise le tombeau de cristal où il est enfermé et rejoigne le monde des vivants !
Le monde est devenu triste, les biches sont chassées et les hommes s'éloignent de la poésie. Des bandes de barbares rançonnent les voyageurs, se livrent à des combats stériles et parfois de jeunes adolescents de l'âge de Rimbaud meurent pour avoir jeté un regard sur un émule de Montparnasse, le héros mauvais des Misérables, celui qui repousse la miséricorde de jean Valjean.
Que revienne le temps des roses, des poèmes et de l'amour !