vendredi 5 avril 2013

Rose des Sables





Édouard ne pouvait se résoudre à la perte de celle qu’il considérait comme l’essence de son âme c’est pourquoi il multiplia les recherches, le ruban de sa sœur cousu soigneusement à l’intérieur d’une pochette de soie qui ne le quittait jamais.
Le prince avait exigé qu’une escorte l’accompagne car, disait-il, la perte d’un autre enfant lui porterait un coup mortel. De son côté, il dépêchait des ambassadeurs dans les royaumes voisins, promettant des récompenses qui étaient à la hauteur de la moitié des réserves du palais ce qui délierait les langues à coup sûr. Mais les émissaires revenaient sans le moindre renseignement, penauds et défaits. Néanmoins un pêcheur demanda une introduction auprès du prince et lorsqu’il eut fini de parler, la joie et l’abattement furent de mise. Il assurait avoir vu la princesse nageant dans le courant. Dans son sillage, le dieu de la rivière reconnaissable à son diadème en diamants l’épaulait afin de l’entraîner dans l’un des palais qui jalonnaient le rivage. Caché dans un bosquet de saules, il avait reconnu nettement les traits de la princesse si remarquable de beauté et à un moment, il était certain d’avoir vu le dieu dénouer un ruban couleur d’or et le jeter dans des buissons. Ce détail marqua les esprits et authentifia la véracité du récit car personne n’avait divulgué la découverte du ruban de soie par le prince Édouard. Heureux de savoir que Victoire était en vie, le prince persan et son chambellan ne pouvaient qu’être consternés en apprenant l’identité du ravisseur. Il n’était pas facile de lutter contre un dieu !
Avec l’optimisme de son jeune âge, Édouard se faisait fort de ramener Victoire au palais de son père. Ses yeux brillaient tant il avait hâte d’en découdre avec ce dieu funeste. On eut du mal à le calmer car il voulait partir incontinent se mesurer à l’infâme ravisseur.
Le prince lui demanda d’honorer tout d’abord l’homme qui leur avait fourni ces précieux renseignements en dirigeant un banquet de fête. Croquembouches, volailles rôties accompagnées de nids de légumes farcis de champignons apparurent sur une table d’apparat, suivies, pour le dessert, de somptueux babas à la crème chantilly et de gâteaux Saint Honoré.
Après ces agapes, on reconduisit le pêcheur en grande pompe dans sa modeste maison au toit de chaume. Le prince ordonna qu’on construise un logement plus confortable pour celui qui fut considéré comme un bienfaiteur et outre quelques beaux cadeaux offerts aux femmes, colliers de perles avec bracelets assortis, le pêcheur reçut une bourse pleine d’écus d’or et il s’entendit signifier qu’il percevrait chaque mois, une somme rondelette destinée à assurer ses vieux jours.
Le pêcheur eut vraiment l’impression d’avoir pris des poissons d’or dans ses filets et il commanda tout de suite à un charpentier de ses amis une barque solide qui le mettrait à l’abri de tout revers de fortune.
Édouard piaffait, pressé de partir à la recherche de sa sœur. Sa nuit de repos fut de courte durée et il partit à l’aube car il avait l’impression que le temps lui était compté.
Ignorant toute l’agitation qui régnait au palais de son enfance pour la bonne raison qu’il ne lui restait aucun souvenir, Victoire attendait les apparitions de celui qu’elle prenait pour un bienfaiteur et son cœur s’emballait à sa vue tant il lui semblait beau et digne d’être aimé.
Il était si prévenant, le dieu de la rivière que ceux qui connaissaient son véritable visage et sa cruauté ne l’auraient pas reconnu ! Les efforts qu’il fournissait pour paraître aimable et courtois étaient si intenses qu’il écourtait ses visites, accentuant la splendeur de ses cadeaux et le faste des repas pour compenser le vide.
Victoire nageait souvent, rivalisant de vitalité avec certains poissons argentés qui effectuaient des sauts à la manière des dauphins. Ses journées lui apparaissaient comme une série d’enchantements. Édouard parti à l’aube, remonta le cours de la rivière sans escorte, emmenant Rose des Sables car il ne doutait pas de voir chevaucher à nouveau la belle princesse chère à son cœur. Il arborait un pourpoint couleur bouton d’or afin de rappeler à Victoire le ruban dénoué par le ravisseur.
Après une longue chevauchée, il fut enfin récompensé de ses efforts : Victoire nageait avec la vitalité d’une naïade, des poissons volants lui conférant une éblouissante et prestigieuse cour d’honneur. Édouard la héla joyeusement mais il eut la désagréable impression d’être transparent aux yeux de celle qui semblait ne pas pouvoir vivre sans lui jusqu’à sa capture.
Par chance, Rose des Sables échappa à la longe et entra dans l’eau captive de rayons en hennissant. Pour Victoire un rideau se déchira et elle flatta l’encolure de son cheval mythique en riant aux éclats.
Juchée sur la selle de sa jument, elle sortit de l’eau avec la grâce d’une amazone. C’est alors que jaillit de l’onde le dieu de la rivière mais Victoire ne le reconnut pas tant son masque guerrier éclatait sous le visage affable de l’amant prévenant. Ses blonds cheveux bouclés ressemblaient au casque d’une pieuvre, ses beaux yeux doux semblaient armés de la foudre du combattant. Sa longue silhouette s’était épaissie et paraissait taillée dans le granit.
« Sauve-toi Victoire, rentre au palais ! je me charge du combat » dit bravement Édouard mais des hommes armés de fouets lui lacérèrent le visage et pourfendirent son beau pourpoint d’or.
Un sbire mit sa dague à l’emplacement du cœur et eut la tentation de le poignarder sauvagement. « Laisse-le-moi ! » s’écria le maître et il s’avança vers le jeune homme d’un pas lourd, comme s’il se fût agi d’une montagne en marche.
Si vous voulez connaître l’issue du combat, ne manquez pas le prochain épisode de la série Le Prince Persan !

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