samedi 27 juillet 2013

L'arbre du soleil





Il a surgi d’une source oubliée et son feuillage a étincelé comme une myriade de sequins d’or.
Il m’est revenu intact, avec sa chanson d’orange amère, sa chaleur fraternelle et j’ai retrouvé les sentiers de l’enfance pavés de coquelicots et de bleuets sous le parfum des blés mûrs, juste avant les moissons.
Je l’ai invoqué, l’arbre du soleil et j’ai senti une brise vivifiante sur ma nuque tandis qu’il murmurait sa chanson à la manière des chanteuses de blues.
Il a vogué près d’une rivière, où flambaient des nénuphars et des lotus et il s’est à nouveau enraciné dans un royaume perdu où l’on a fini par voir le galop de cavaliers, cuirassés, lance à la main pour que personne ne détruise l’équilibre et l’harmonie de la terre de Brocéliande près du miroir aux fées. Des papillons ont survolé le ciel, apportant une touche de poésie puis ils se sont posés sur les épaules nues de jolies princesses venues rafraîchir le linge à la rivière.
Une fois toiles et dentelles étendues sur l’herbe pour sécher, les jeunes filles se sont mises à chanter puis elles ont orné leurs cheveux de couronnes de fleurs.
J’ai reçu beaucoup d’émotion l’une de ces couronnes et j’ai repris ma route sous la caresse de l’arbre d’or, mon ami de toujours, mon éternel amant !

vendredi 26 juillet 2013

La fiancée du dieu de la rivière



Ce sont des colombes qui l’ont tirée de son sommeil, la belle Leïla et elle les a suivies docilement, à peine vêtue, jusqu’à la rivière où un dieu puissant, couvert de perles d’eau douce l’a serrée contre sa poitrine puis l’a entraînée dans sa grotte pour faire d’elle son épouse.
Mais un prince qui dormait dans un bosquet de saules après avoir longuement chevauché, s’est réveillé à temps pour voir la beauté de la jeune fille et la désirer à son tour. Sans réfléchir davantage, il s’est débarrassé de ses vêtements et a suivi le courant jusqu’à la grotte.
Au moment précis où le dieu allait accomplir son rêve et faire de Leïla la belle sa centième épouse, le prince a jailli de l’onde et a brandi son poignard en visant le cœur du dieu.
Ce dernier éclata de rire et il s’apprêtait à pulvériser cet audacieux lorsque sa belle proie, fière et rebelle, lui lança du sable et des coquillages à la tête. Un instant- ébloui, le dieu ne put déclencher la foudre dont il était le détenteur et le prince en profita pour lui planter son poignard en son cœur qui se déchira en mille éclairs.
Le couple plongea sans demander son reste et lorsqu’ils furent à proximité du village, le prince cueillit une guirlande de fleurs pour masquer la nudité de la jeune fille qui se faufila ainsi vêtue dans son habitat de chaume et l’après-midi, après avoir revêtu son costume de fête, le prince vint demander la main de la jeune fille à son père.
On organisa des fiançailles fastueuses puis le prince emmena sa promise dans son royaume, non sans lui avoir demandé de prêter un serment, celui de ne jamais s’approcher d’une rivière sans escorte, ce qu’elle jura solennellement et le couple se maria et fut heureux.     

lundi 22 juillet 2013

La femme voilée





Il était une fois une femme qui ne supportait plus de voir l’ombre de l’âge obscurcir ses traits.
Elle acheta des voiles somptueusement brodés pour cacher les offenses du temps et partit ainsi vêtue faire ses emplettes.
 Elle croisa en chemin une femme entièrement vêtue de noir. Elle marchait presque en aveugle car une sorte de meurtrière avait ménagé une protection pour ses yeux qu’elle avait soigneusement maquillés.
« Que vous arrive-t-il, chère amie ? La lèpre aurait-elle envahi votre corps pour que vous soyez ainsi masquée ? À voir vos jolis yeux, je n’en crois rien et je vous félicite car pour ma part j’ai toujours eu horreur des pinceaux et artifices du maquillage et je m’y résoudrai jamais.
Chère sœur, si je suis ainsi vêtue, c’est uniquement par pudeur. Je crains d’offenser le regard de Dieu et celui des hommes !
Ciel ! Où vous situez-vous donc sur l’échelle divine et humaine pour vous punir ainsi du regard impur des hommes ? Car je vous le dis, ce sont les hommes qui sont impurs avec ces idées malsaines qui jaillissent à la simple vue d’une jolie femme.
Jadis je ne pouvais pas faire un pas sans que des sifflets et des propositions grossières viennent à mes oreilles mais j’ai vu ces hommes pour ce qu’ils sont, de grands enfants et j’ai poursuivi dignement mon chemin, heureuse que le vent m’enveloppe d’un voile passager.
Croyez m’en, ne vous affublez pas de cette étoffe qui vous fait ressembler à un pauvre oiseau fou. Dieu et les hommes dignes d’être aimés sauront vous distinguer ».
Mais la femme vêtue de noir soupira, baissa la tête, ce que son aînée ne pouvait pas supporter et poursuivit son chemin en murmurant : « Vous ne connaissez pas tout, sœur aînée, venez dans nos cités et vous comprendrez ».
Sur ces paroles énigmatiques, elle disparut, petite silhouette fragile à la merci des hommes.
Ce monde est décidément détestable pensa la femme voilée et résolument elle se débarrassa de la belle étoffe qui protégeait son visage et offrit ses rides au vent !  

samedi 20 juillet 2013

La fée tsigane





Les pieds nus, elle marche dans la poussière des chemins en s’imprégnant des parfums floraux divers.
Une petite fille lui offre une couronne d’églantines qu’elle coiffe avec plaisir et pour remerciement, elle donne une étoile à l’enfant. Libérée, elle lui montrera la route de la sagesse.
Le soir, elle s’arrête près des roulottes et ses beaux cheveux dénoués, elle danse au son des guitares.
Elle dort à peine dans un hamac noué entre deux peupliers et reprend sa route à l’aube, après avoir dégusté des galettes chaudes et bu un excellent moka.
« Où vas-tu ? » lui demande la cartomancienne. « Tu le sais très bien puisqu’il te suffit de tirer une carte lorsque je serai partie »  répond la fée en souriant et elle part, non sans avoir donné des pièces d’or pour récompenser les hôtes de son royaume.
Effectivement Luisa tire les cartes mais la reine de cœur prend le visage de la fée et elle demeure rêveuse face à ce sortilège qu’elle n’a jamais connu.
Au soir de sa longue marche, la fée tsigane demande l’hospitalité dans un charmant village ancré dans l’histoire. Henri IV dit-on y aurait séjourné. Mais la vue de ses pieds nus inquiète les habitants et ils lui ferment leur porte avec une certaine insolence.
Seule une porte s’ouvrira, c’est celle d’une romancière qui accueille la fée avec beaucoup de bonheur. Le monde tsigane ne lui est pas étranger. Sa mère rêvait de roulottes et son amour personnel pour la dentelle est ancré en son cœur.
Alors la fée fait jaillir de ses manches un flot de dentelles et du cristal de Bohême puis elle demande à prendre un bain pour se défaire de la poussière du chemin.
Ensuite elle revêt une robe d’hôtesse, prend une légère collation et s’endort dans une jolie chambre fleurie. Le lendemain, elle quitte sa nouvelle amie, lui assure qu’elle reviendra et elle reprend sa longue route, la guitare de Django Reinhardt  sur le dos.

mardi 16 juillet 2013

Les chemins de la fraternité





Sous la voûte des cieux, j’ai contemplé les étoiles jusqu’à ce que l’une d’entre elles se détache de son mystérieux parcours et éclate en une gerbe de roses cristallines.
Dissimulées dans l’herbe, elles sont devenues l’espace d’un soir un trésor fabuleux et je me suis amusée à les ramasser pour en faire une parure dédiée à la déesse de la beauté, une immortelle insaisissable et rarement aperçue par un soir d’été.
Un cavalier est apparu dans un fracas de tonnerre mais loin d’avoir peur, je l’ai regardé et il a mis pied à terre. Dans une manœuvre habile il tenta de m’ôter la parure tout en feignant de m’aimer à l’instar d’une reine mais j’ai usé d’une formule magique qui l’a incité à reprendre son voyage de coureur des chemins et pour remercier la déesse de m’avoir aidée à sauver ma vie, je suis partie pour Compostelle, avec une pèlerine attachée par des coquillages et un bâton sculpté à la main.
Sans doute voulez-vous connaître ma formule magique ? Elle est très simple et peut être usitée sous tous les cieux : « Honni soit celui qui prétend être ce qu’il n’est pas » !
J’ai enfin mis un point final à cette belle soirée en plaçant les roses de cristal dans un bouquet champêtre, espérant qu’une pie viendrait s’en emparer pour les offrir aux petites filles qui errent sur les routes en compagnie de leurs parents.
Chassés de partout, ces êtres diffamés que l’on appelle roms et qui ont parfois pour tout trésor un vieil accordéon qui pend sur leur épaule, emmènent avec eux la poussière de nos chemins oubliés, ceux qui mènent à la fraternité !