dimanche 14 juillet 2013

La fée Noisette





Trempant ses jolis pieds dans les eaux vives des ruisseaux, la fée Noisette rêvait tout en surveillant le petit monde de son royaume, notamment les écureuils si facétieux et prêts à de nombreuses cabrioles au péril de leur vie.
Dans l’eau claire d’une rivière abandonnée et cachée dans un écrin de verdure en forme de cœur, un bouclier d’argent porté par trois naïades surgit dans un éclaboussement d’écume.
« Le chevalier à qui ce bouclier est destiné ne doit pas être loin » pensa la fée et elle ne se trompait guère car des mains protégées par des gantelets d’acier ciselé se posèrent sur ses épaules et elle se laissa guider par ce héros échappé d’un cercle légendaire.
Juchée en amazone sur l’alezan de son beau chevalier, la fée contemplait son visage dans le reflet du bouclier. Son charme était indéfinissable. Cependant la fée aperçut un pli cruel à la commissure de ses lèvres charnues, au parfum de cerise. Elle ferma un instant les yeux et fut propulsée à terre alors qu’elle tenait toujours le bouclier.
Étourdie par le choc, elle se rassura en constatant qu’une farandole d’écureuils l’entourait d’une courbe protectrice. Des bébés écureuils sur les genoux, la fée se consolait d’avoir perdu un bel amour mais soudain, en posant le regard sur le bouclier, elle vit avec surprise un visage diabolique entouré de serpents qui s’échappaient du pli cruel de la jolie bouche qu’elle avait contemplée en rêvant d’un amour fou : le chevalier était un monstre échappé de son château en ruines et sans le secours de ses téméraires écureuils, elle aurait été dépecée pour entretenir un rite satanique !
La fée Noisette retrouva avec bonheur sa jolie chaumière au cœur de la forêt et se jura de ne plus se laisser séduire par un chevalier. Elle jeta le bouclier d’argent dans le courant de la rivière et un saumon l’emporta sur son dos jusqu’au château des souvenirs perdus.

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