lundi 22 juillet 2013

La femme voilée





Il était une fois une femme qui ne supportait plus de voir l’ombre de l’âge obscurcir ses traits.
Elle acheta des voiles somptueusement brodés pour cacher les offenses du temps et partit ainsi vêtue faire ses emplettes.
 Elle croisa en chemin une femme entièrement vêtue de noir. Elle marchait presque en aveugle car une sorte de meurtrière avait ménagé une protection pour ses yeux qu’elle avait soigneusement maquillés.
« Que vous arrive-t-il, chère amie ? La lèpre aurait-elle envahi votre corps pour que vous soyez ainsi masquée ? À voir vos jolis yeux, je n’en crois rien et je vous félicite car pour ma part j’ai toujours eu horreur des pinceaux et artifices du maquillage et je m’y résoudrai jamais.
Chère sœur, si je suis ainsi vêtue, c’est uniquement par pudeur. Je crains d’offenser le regard de Dieu et celui des hommes !
Ciel ! Où vous situez-vous donc sur l’échelle divine et humaine pour vous punir ainsi du regard impur des hommes ? Car je vous le dis, ce sont les hommes qui sont impurs avec ces idées malsaines qui jaillissent à la simple vue d’une jolie femme.
Jadis je ne pouvais pas faire un pas sans que des sifflets et des propositions grossières viennent à mes oreilles mais j’ai vu ces hommes pour ce qu’ils sont, de grands enfants et j’ai poursuivi dignement mon chemin, heureuse que le vent m’enveloppe d’un voile passager.
Croyez m’en, ne vous affublez pas de cette étoffe qui vous fait ressembler à un pauvre oiseau fou. Dieu et les hommes dignes d’être aimés sauront vous distinguer ».
Mais la femme vêtue de noir soupira, baissa la tête, ce que son aînée ne pouvait pas supporter et poursuivit son chemin en murmurant : « Vous ne connaissez pas tout, sœur aînée, venez dans nos cités et vous comprendrez ».
Sur ces paroles énigmatiques, elle disparut, petite silhouette fragile à la merci des hommes.
Ce monde est décidément détestable pensa la femme voilée et résolument elle se débarrassa de la belle étoffe qui protégeait son visage et offrit ses rides au vent !  

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