jeudi 29 août 2013

Chant de l'aurore





Les tourterelles de l’amour se sont déployées comme autant d’éventails dans un bruissement de soie et de glycine puis se sont envolées, me laissant seule et désolée.
J’ai marché longuement en suivant l’étoile du berger et forte de la lueur des voiles de l’aurore, j’ai écrit sur le bord du chemin un ultime poème dédié au prince de la nuit, ce prince magnifique qui toujours se dérobe, allant toujours plus loin, campé sur la selle argentée de son bel alezan.
J’ai croisé une biche et j’ai vu bondir des lapins, pressés de se terrer pour échapper aux chasseurs. J’ai cueilli des violettes, rêvant d’en faire une composition ou un jeté de table pour le bonheur d’aimables invités.
Puis j’ai beaucoup rêvé et j’ai utilisé les chutes de ces songes pour en faire une dentelle, une sorte de voile de Pénélope jamais achevé.
Forte de tous ces atouts, je suis revenue en ma demeure et l’ai enrichie des présents de la terre, sachant qu’un jour, je serais obligée de les rendre pour que se poursuive la ronde des souvenirs éternels.

lundi 19 août 2013

Hommage à Dany





Dany, alias Daniel Cordier, alias Alain, le philosophe, alias Caracalla, je te voue une immense admiration.
À 19 ans, tu pars sans hésiter à Londres pour répondre à l’appel du Général de Gaulle, toi qui vis dans un milieu bourgeois où il fait bon vivre et après avoir rêvé un instant à un baroud d’honneur avec tes copains face aux Allemands pour venger l’honneur de la France, tu suis un entraînement intensif Outre-Manche et lorsqu’on te propose de revenir sur le sol natal, tu emportes avec toi une ampoule de cyanure pour le cas où tu serais pris par la, gestapo !
Choisi par Jean Moulin dont tu ne connais que le nom de code, Rex, tu es son secrétaire et l’administrateur de toutes les besognes conçues par ce chef dont tu admires la vive intelligence et le sens patriotique porté à l’extrême.
Après avoir lu mille page qui décrivent par le menu les tâches ingrates et difficiles que tu exécutes sans broncher, allant de çi, de là, d’un extrême de grande ville à un autre, risquant à tout instant une arrestation, je garde de toi un portrait en creux, celui de Jean Moulin dont tu crains l’issue fatale tant les divisions des réseaux étaient fortes.
Restant des heures aux aguets, guettant la lueur de la lampe dans la chambre obstinément vouée au noir, tu ne te soucies pas de ton confort et lorsque la silhouette de Rex se découpe sous le porche d’une rue peut-être transformée en souricière, tu respires, heureux de le voir encore soustrait à l’arrestation qui ne manquera pas d’arriver.
Quant à toi, Dany, sauf par dénonciation d’un Judas de groupe, tu ne risques rien. Tu t’es toujours demandé pourquoi Rex t’avait choisi et la réponse apparaît en filigrane avec une éblouissante clarté, mais parce que tu étais un charmant jeune homme, je dirais presque un enfant et que personne ne peut soupçonner que tu manies un révolver comme personne et que tous les sports de combat te sont familiers.
Avec l’écharpe bleue offerte un jour par Rex et que tu as gardée encore aujourd’hui, la portant parfois, tu erres dans notre imaginaire et nous savons, Dany, que si une dizaine de jeunes gens à ton image avaient entouré et veillé le grand Rex, jamais il n’aurait été pris car tu étais son double et qu’à vous deux vous aviez la même âme d’enfant.
Merci Dany d’avoir existé, de nous avoir laissé ces précieux souvenirs et de vivre encore avec l’étincelle de la jeunesse dans ton regard vif de nonagénaire !

jeudi 1 août 2013

Bella





Belle de jour, belle de nuit, belle au bois dormant, Bella, ma beauté, je te supplie de m’aimer. Pour toi, j’ai cherché l’oiseau de paradis, j’ai plongé dans les rivières pour en extraire de la poudre d’or et des perles. Je suis allé par les chemins de pluie pour te rapporter des parures de reine.
J’ai écrit un livre de poèmes qui célébraient tous ton incomparable beauté.
Mais voilà qu’un brigand a surgi de la nuit et t’a séduite dans un tango obscur qui t’a laissée, pantelante et brisée, telle une poupée de chiffon.
Toi, ma reine, tu es devenue servante et j’ai jeté aux quatre vents tous les trésors que j’avais recueillis pour te célébrer.
C’est l’oiseau de paradis qui est parti le premier. Il a tant volé autour du voyou qu’il a fini l’aveugler ! Ce rapace a voulu préserver les trésors et pour s’emparer de la poudre d’or qui volait autour de la tête de Bella, il lui a presque arraché des cheveux. Ensanglantée, la belle s’en est allée et s’est jetée à mes pieds.
J’aurais pu être cruel mais j’ai pris la main de ma reine déchue et je lui ai offert mon seul et dernier cadeau, un simple anneau d’épousailles et nous sommes rentrés chez nous après qu’elle m’ait juré de ne plus jamais danser le tango avec un inconnu !