lundi 7 mars 2016

La langue de Ronsard




Alors que les migrants rêvaient de gagner les rives de la perfide Albion, fût-ce au péril de leur vie, il ne leur venait pas à l'idée de résider en Hollandie dont ils envahissaient et défiguraient les côtes.
Tout d'abord, il y avait le barrage de la langue. L'idiome de la reine angloyse était parlé de par le monde et d'un continent à l'autre. il n'en était pas de même pour la langue de Ronsard qui avait force de loi en Hollandie.
De plus, quand bien même ils auraient été doués en langues, les migrants ne pouvaient s'empêcher de trouver les Tulipots, habitants de la Hollandie, bien étranges.
Ils s'emballaient pour un mot et des polémiques incessantes jaillissaient au jour le jour comme les fleurs en terrain désertique après une pluie salvatrice.
Avant même qu'une loi soit présentée de façon officielle au conseil des Ministres et adoptée puis envoyée à la maison du peuple pour que les représentants élus en débattent et apportent éventuellement des amendements, elle était systématiquement contestée et sur les plateaux télévisés on voyait s'affronter de farouches débatteurs qui s'écharpaient sur des soupçons de loi avec une fougue inouïe au lieu de s'intéresser aux problèmes profonds du pays.
Ainsi actuellement, alors que les migrants désespérés faisaient des tentatives désespérées pour franchir le channel, une pétition contre une loi fictive faisait fureur, réunissant déjà plus d'un million de likes !
La malheureuse personne choisie pour porter la loi glissa dans son bain et connut les affres de l'hospitalisation tant les opposants à son projet faisaient feu de tout bois pour le détruire avant qu'il n'apparaisse au grand jour.
Justement effrayés par ces passions démesurées, les migrants s'en tenaient à leur objectif et se cramponnaient dans la boue avec une incroyable énergie;
Par ailleurs un autre pays séduisait outre Rhin : il s'agissait du royaume de Hildegarde de la Baltique, tenu de main de maître par une femme qui maniait si bien l'art oratoire dans sa langue, à savoir celle de Goethe, poète romantique qui avait régné sur tous les cœurs dans une Europe idyllique déjà chantée par Germaine de Staël dans son magnifique traité De l' Allemagne.
Les migrants étaient peu nombreux à parler cette langue des dieux, choisie par tant de musiciens mais ils étaient prêts à souffrir pour acquérir les bases qui leur permettraient de vivre et d'élever leurs enfants en toute quiétude, loin des ravages destructeurs d'une terre de Hollandie qui semblait vouée à la folie!
Leur leader, tour à tour nommé Pluvix, Tulipe d' Or et momentanément Tulipe Écarlate au lendemain d'attentats sanglants qui ravagèrent la capitale, portait actuellement le nom de Plombix tant les sondages lui étaient défavorables.
Le comble fut atteint lors d'un salon à la gloire de l'Agriculture, antique fleuron du pays. Alors que les vaches se murmuraient la célèbre phrase de Sully : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », Plombix fut la victime expiatoire de quolibets indignes et de projectiles malodorants, ce qui fit dire à une opposante, non sans ironie : "cet homme est un saint" !
Que ferions-nous dans ce bourbier moral se répétaient les migrants et la boue de leur cloaque aux bords du channel leur semblait infiniment préférable car demain, ils parviendraient peut-être à franchir les flots et à savourer enfin une tasse de thé en suivant le rituel heureux d'un pays où les seuls problèmes étaient rationnels et pouvaient donc être résolus.

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