mardi 31 mai 2016

Chez Mamie





Petit Bonheur
Chez Mamie
On m’appelle Petit Bonheur. J’ai deux ans. Si je peux m’exprimer et écrire, c’est que la fée Cristal, apparue à ma naissance, met en ordre les mots qui s’échappent de mes lèvres avec la force des torrents et tient la plume pour jeter sur un cahier la trame de ma vie.
Lorsque je viens chez Mamie, je sais que j’entre dans un domaine enchanté où l’on m’attend comme le petit roi de la maison.
Petit Bonheur, c’est Mamie qui en a eu l’idée. Elle aime chanter de jolies chansons et il y en a une qu’elle préfère.
« C’est un petit bonheur que j’avais ramassé sur les bords d’un fossé, un beau soir en été ».
Mamie chante souvent. Ses préférées sont L’Ours Collargol, Dame Tartine, Il pleut Bergère. Cela m’amuse, car elle est la seule à chanter.
Dernièrement j’ai grimpé par surprise sur ses genoux. Mamie n’est pas assurée sur ses jambes et elle n’ose pas me porter. Je lui ai essuyé les jambes avec des lingettes pour qu’elle aille mieux.
Papi et Parrain, eux, me portent avec facilité et quand j’étais plus petit, ils se relayaient pour me donner à manger et me promener dans la cour en poussette.
Papi m’emmenait au poulailler. Au début j’avais peur et puis je me suis habitué à ces drôles de filles, toujours en train de courir. Elles pondent des œufs et Papi les met dans un panier avec l’aide de Papa.
C’est dans les bras de Papa que je franchis le seuil de la Jalousie ! c’est le nom de la maison. Papa et Mamie ont eu un coup de cœur en la voyant abandonnée au bord de la route et ils l’ont achetée sans se soucier des travaux qu’ils devraient entreprendre pour la rendre habitable. Ils ont fait ce qu’ils ont pu mais il y aurait encore bien des améliorations à accomplir.
Pour moi, c’est la maison de tous les dangers. Le carrelage est inégal et je risque la chute à chaque instant. De plus, en allant de jouet en jouet, je suis distrait et je ne regarde pas mes pieds. Alors tout le monde me surveille.
J’ai l’impression d’être un petit roi et j’en abuse un peu. Je pleure ou je fais semblant dès que je veux quelque chose, un boudoir par exemple ou un biscuit bonne maman. Parfois on m’emmène voir Zelda, la chatte de la maison. Nous sommes sous haute surveillance car Zelda sait qu’elle n’est plus la reine de la maison et mine de rien, elle pourrait me donner un petit coup de griffe ou me mordiller. Je la prends un peu pour un nounours mais je ne sais pas que c’est un  félin et que ses instincts sauvages peuvent resurgir  d’un seul coup. Papa redoute ses coups de griffe et il m’emmène bien vite.
Il y a aussi une autre surprise. Dans la chambre de Mamie, Martin l’ours qu’on lui a offert quand elle était petite, se repose sur une chaise. Il me fait un peu peur. Il ressemble beaucoup plus à un animal que mon nounours, un petit koala en peluche que j’ai choisi moi-même avec Papa à la nounourserie. C’était un endroit merveilleux et j’allais de peluche jusqu’à ce que je rencontre le compagnon futur de mes siestes et de mes nuits chez Papa. Je l’aime et je lui fais des bisous. Parfois aussi je le traite comme si j’étais une grande personne et je lui donne des avertissements. Le soir, avant de m’endormir ou lors de la sieste, je repasse tous les épisodes marquants des derniers jours et j’improvise une pièce de théâtre à plusieurs voix. Je n’ai pas encore la maîtrise du langage, je prononce des mots alors pour imiter mon entourage, j’ai ma langue personnelle, celle que personne ne connaît, à part moi et c’est dans cette langue que je m’exprime le mieux.
Je parle très vite et j’ai plusieurs intonations. C’est parfois agaçant d’écouter les grandes personnes  et de ne pas pouvoir leur répondre avec la même vélocité. Mais là où je suis imbattable,  c’est à la course. Papi, Parrain et Papa sont en nage quand il s’agit de me rattraper dès qu’on me laisse trottiner dans le jardin. Avec les beaux jours, je m’échappe vers les bambous et je fonce jusqu’au fond du jardin. Les trois P ont du mal à me capturer car je glisse comme une anguille pour leur échapper. Mais finalement, ils me rabattent jusqu’à la maison en me faisant miroiter les délices de la compote de pommes maison dont je raffole. Je ne plaisante pas avec la nourriture. Tout le monde se bat pour me donner la becquée mais j’ai hâte de manger seul.
Ce goûter achevé, je joue avec ma locomotive magique et musicale. Il y a beaucoup d’airs et de chansons et je peux aller d’un cube à un autre pour varier les plaisirs. Ensuite j’empoigne mon jouet favori, le plumeau de Mamie et je nettoie par ci par là. Enfin je reprends mes ours pour les câliner et je leur raconte une histoire puis je grimpe sur le fauteuil qui est juste à côté de celui de Mamie et lorsqu’elle cherche à trouver un mot du jeu télévisé Slam, j’en profite pour me laisser glisser à terre et lui faire des petites pichenettes sur les jambes car je suis d’un naturel facétieux. Tout le monde m’observe et lorsque je donne des signes de fatigue comme celui de me frotter les yeux ou de gratter l’une de mes oreilles, Papa me capture prestement et me prépare pour la sieste.
Je ne me laisse pas faire facilement car je n’aime pas me retrouver tout seul dans mon lit avec mon ours même si une jolie musique est déclenchée pour m’aider à dormir. Je pleure un peu, pour la forme, mais Papa me rassure en me disant dans l’écoute bébé : Dodo Éloan*, de sa voix douce et je finis par me calmer. Je repasse le film de la journée, des dernières heures surtout et c’est à mon tour de rassurer nounours, Koala et de lui dire :  « Dodo » .
Au prochain épisode, l’histoire fraîche de mes jours passés à la Jalousie, la maison de mon enfance, mon futur domaine puisque j’en suis déjà le roi !

Éloan* est mon nom de baptême.

lundi 23 mai 2016

Rue Vanille





A moi les orchidées, les délices des îles, les fleurs et les fruits cristallisés, j'ai rendez-vous avec mes amies, rue Vanille à la terrasse d'un café élégant au doux nom de Princesse Camélia.
Jocelyne est la première arrivée, son album à dessin sous le bras et à la main, ses crayons de magicienne puis viennent tour à tour Annie, Sylvette, Évelyne, Françoise, Brigitte, Giovanna, toutes jolies et pimpantes avec des robes d'azur.
Danielle ferme la marche avec sa boite de jeux et le garçon nous apporte une belle collation avec fruits, fleurs et théières variées.
Pour Danielle ce sera sans sucre, une pomme avec de la cannelle mais c'est juste l'histoire de fêter l'amitié autour d'une conteuse qui vous parle sans cesse de ses écrits mais qui vous écoute et vous aime.
Votre Marguerite à effeuiller page après page en toute amitié.

Le jardinier des âmes





Il compose chaque jour des bouquets d'amour au gré de sa fantaisie et des fantasmes de ses clients, le jardinier des âmes.
Ce sont des mélodies qui vont droit au cœur des amants éperdus, alanguis, brûlant de désirs et de bonheurs perdus.
Pleines de mélancolie, des dames plus âgées s'offrent des fleurs afin de croire qu'on les aime toujours et que la patine des ans les a épargnées.
Chez le fleuriste, elles rencontreront peut-être un vieux monsieur charmant qui se montrera galant en soulevant son chapeau, à l'ancienne.
Toutes ces coutumes venues du fond des âges, nous les aimons et croyons en ce langage métaphorique qui offre à chacune et chacun une part de rêve, un peu de ciel bleu dans les nuages de la vie.

Rue Shéhérazade





Je me suis acheté un chapeau, une capeline ornée de roses, j'ai enfilé ma robe bohème en organdi rose brodé d'anges blonds et je me suis installée, rue Shéhérazade, pour y attendre mes amies, autour d'une théière filée or, de verres corsetés d'azur et de douceurs orientales au charme inégalé.
Sorbets à la rose, granités à la fleur d'oranger, cornes de gazelle et gâteaux au miel garnissent un plateau qui attend Nacera, Zohra, Choumicha, Sarra, Hanna et toutes ces amies qui, chaque jour, m'envoient des fleurs et des témoignages d'amitié.
Rue Shéhérazade, c'est le royaume de celles qui entrent dans la ronde de l'harmonieuse vitalité des dames de toujours, celles qui privilégient l'amour.