vendredi 5 janvier 2018

L’île des enfants perdus



En chemin vers l’île des enfants perdus, le Père Noël stoppa son attelage de rennes pour consulter une dernière fois sa liste d’appel.
Susan, Léa, André, Harry et Benjamin n’avaient émis aucun souhait. Par contre, Emmanuel, Prince, Johnny, Elodie, Laure souhaitaient  tant de jouets qu’il aurait été impossible de les réunir.
Robots, quads, circuits vertigineux, trains enchantés , poupées enrubannées et maisons de poupée revenaient souvent sur la liste illustrée, de même que des livres imagés, des instruments de musique, harmonicas, guitares, pianos et albums mélodieux.
Un étui en forme de guitare recelait des compact disques du grand rocker récemment disparu et il figurait au nombre des objets désirés pour commémorer le souvenir de l’éternel charmeur aux yeux de rêve.
Avisant une chaumière illuminée par des guirlandes féeriques représentant des tableaux fabuleux, le Père Noël décida de faire une pause avant de reprendre la route. Bien lui en prit car un bon feu flambait dans la cheminée de la pièce principale et des offrandes alléchantes étaient disposées sur une table joliment décorée.
Pyramides de fruits, coupes d’entremets fleurant bon l’orange ou la violette, pièce montée de choux à la crème chiboust, couronnés de chocolat attiraient l’œil.
Cependant le Père Noël ne goûta aucune de ces merveilles et il demanda à la fée de cristal présente en ce lieu d’emballer soigneusement toutes ces douceurs car il se promettait bien d’en faire profiter le maximum d’enfants.
Il se contenta de boire un chocolat chaud et reprit la route, ragaillardi par cette halte merveilleuse.
Les rennes allaient bon train, pressés d’arriver à bon port pour pouvoir repartir dans leur pays de glace où ils se sentaient si bien.
Ils prirent leur envol aux abords d’un grand lac pour déposer enfin le Père Noël et sa précieuse cargaison près d’un château gothique où vivaient les enfants perdus.
On les appelait ainsi pour évoquer le fait qu’on les avait rassemblés dans ce lieu grandiose parce qu’ils avaient perdu un ou deux parents et que personne ne pouvait s’occuper d’eux.
Dans ce château, outre l’éducation et l’enseignement dispensés à tous les enfants, une ambiance Charlie Chaplin berçait de tendresse ceux qui pouvaient en manquer.
Pas de rap mais la musique des films du grand cinéaste qui, à l’âge de cinq ans, avait volé au secours de sa mère, brusquement aphone dans son tour de chant, huée de ce fait par une salle bruyante et sans cœur. Le petit Charlie avait alors bondi sur scène et il chanta pour permettre à sa mère de se réfugier dans sa loge avant d’être congédiée.
Rien d’étonnant dès lors à ce qu’il ait préféré le cinéma muet au parlant !
On visionnait aussi un merveilleux film Courgette qui racontait la vie d’un enfant, orphelin d’une mère adonnée à la boisson. Son séjour en orphelinat lui avait permis de faire des rencontres qui avaient donné un sens à sa triste vie.
Bref les animations culturelles avaient pour but de pallier le manque d’amour parfois ressenti par les enfants.
Le personnel du château s’activa pour faire disparaître les cadeaux du traineau afin de les disposer au pied du gigantesque sapin qui trônait au milieu de la salle à manger.
Le Père Noël avait l’intention de voir les enfants s’emparer de leurs présents et d’assister à leur bonheur. C’est pourquoi il demanda à être remplacé par un amateur du grand nord pour le retour.
Il échangea sa robe rouge fourrée d’hermine et sa toque contre une tenue civile et ordonna aux rennes de rentrer avec sa doublure occasionnelle, ce qui fut fait.
La nuit fut courte et peuplée de rêves pour chacun.
Au petit matin, les enfants se précipitèrent auprès du sapin et découvrirent les trésors qui leur étaient réservés. Le Père Noël était méconnaissable et d’une rare élégance. Il portait un costume trois-pièces et une chemise à jabots. Un Borsalino gris souris cachait ses boucles argentées et de beaux souliers vernis parachevaient  cette toilette ultra chic.
Il observait les enfants, craignant que l’un d’eux ou plusieurs ne soit déçu. Mais aucune déception ne s’afficha sur le visage des enfants. Quant à ceux qui n’avaient rien demandé, ils découvrirent le cadeau du Père Noël et parurent enchantés.
Jessica emporta bien vite la maison de poupée qu’elle déballa d’une boite décorée de roses, dans sa chambre. Elle  passa une bonne heure à placer meubles et poupées dans chaque pièce. A sa manière d’installer un samovar et de préparer un service à thé, on devinait qu’elle avait souvent observé ce rite si habituel dans la grande Russie dont elle était originaire.
Père Noël apprit à connaître chaque enfant à sa façon de manipuler jouets et fantaisies qui révélaient  des éléments de son caractère.
Il y avait tant d’histoires secrètes à reconstituer en chacun d’eux !
Aucun enfant ne parut déçu, au grand soulagement du Père Noël qui avait emporté dans sa malle de voyageur, de quoi pallier tout mécontentement : drones-reporters, Fée Clochette pour les amoureux de Peter Pan, circuits électriques, théâtres de marionnettes, jeux de société et bien entendu un choix de livres féeriques ou récits d’aventures.
Une pile de cahiers était prévue également pour les écrivains en herbe.
Par la suite, le Père Noël se plut tant parmi les enfants qu’il prit place auprès des éducateurs sous le nom de Guillaume.
Plus les jours passaient, plus il appréciait ce nouveau rôle qui le rapprochait des enfants.
De son côté, au Groenland, l’éducateur qui avait pris sa place, appréciait ce rôle de Père Noël si bien qu’il accepta l’échange définitif sans problème.
Restant en contact avec sa doublure, Guillaume lui passa une fabuleuse commande qu’il réservait aux enfants insulaires en guise de surprise gigantesque : la création d’un voilier où chaque enfant aurait sa cabine.
Guillaume pensait que cet enfermement insulaire les privait de tout contact avec autrui.
Imaginez la joie des enfants lorsqu’ils virent le voilier ancré dans la crique réservée aux bateaux !
Chacun découvrit sa cabine avec bonheur et lorsque le moment du départ arriva, des hurrahs retentirent à bord et tous les habitants de l’île s’en furent à la conquête du bonheur, ce qui était, somme toute, le cadeau de Noël le plus fabuleux de tous les temps !

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